Stimulé par l'élection de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis, Nicolas Sarkozy entend poursuivre son combat en faveur de la diversité. Sur des critères sociaux et non ethniques. Dans un discours qu'il devait prononcer, mercredi 17 décembre, à la très élitiste Ecole polytechnique, le chef de l'Etat devait annoncer des mesures visant à donner aux élèves des quartiers difficiles un accès aux "bonnes" filières : des classes de préparation aux concours de la fonction publique leur seront destinées; 30 % des places de chaque classe préparatoire devront être réservées aux boursiers à la rentrée 2010. M. Sarkozy souhaite également que cent grandes entreprises expérimentent le CV anonyme.
Pour avancer sur ce terrain de la diversité, qu'il dispute de longue date à la gauche, le président de la République doit se contenter des armes traditionnellement employées de ce côté-ci de l'Atlantique. Partisan de la "discrimination positive" – une politique née aux Etats-Unis dans les années 1960, qui a consisté à favoriser l'accession des Noirs aux universités et à certains emplois –, le chef de l'Etat espérait faire sauter le verrou constitutionnel du principe d'égalité. Il doit y renoncer.
En avril, M. Sarkozy avait confié à Simone Veil le soin de réfléchir à l'opportunité de modifier le préambule de la Constitution afin d'"assurer le respect de la diversité" et de "rendre possibles de véritables politiques d'intégration". Le rapport que l'ancienne présidente du Parlement européen lui a remis mercredi, peu avant son discours, l'incite à amplifier les politiques de différenciation sur des bases sociales et territoriales, qui existent déjà dans le droit français. Mais ce rapport rejette toute réécriture du préambule qui permettrait d'instaurer une politique de discrimination positive sur des fondements ethniques. Le comité Veil juge ainsi "impossible d'élaborer un système de critères acceptables des origines , familiales ou plus généralement biographiques". Et souligne qu'une telle politique ne serait pas sans "effets pervers", entraînant "au mieux un affaiblissement du vivre-ensemble; au pire une montée des tensions et des ressentiments communautaires".
Les Etats-Unis, l'Afrique du Sud ou encore l'Inde, qui ont développé des dispositifs d'"affirmative action" autorisant une prise en compte de la race et des origines, sont des pays où a jadis prévalu une "véritable ségrégation par le droit", relève le comité. Ce type de mesure, insiste-t-il, ne peut "avoir de sens qu'à condition d'apparaître aux yeux de tous comme une mesure de rattrapage au profit de groupes ayant été victimes d'une entreprise de marginalisation organisée par le système juridique, et qui se sont, de ce fait, trouvés maintenus dans une position sociale subalterne". Ce qui, relève-t-il, n'est pas le cas en France.
Pour faire "progresser la France sur le chemin du droit et de l'égalité", il est "plus utile, plus efficace", jugent les membres du comité, de "poursuivre, étendre et amplifier les actions qui peuvent être d'ores et déjà entreprises dans le cadre constitutionnel actuel".
Zones d'éducation prioritaires (ZEP), zones franches urbaines, filière de recrutement particulière pour les candidats à Sciences Po issus des ZEP… Des politiques de différenciation positive, sur des bases sociales et territoriales, existent déjà.
"Lorsqu'il est principalement visé, insiste le rapport Veil, le paramètre de l'origine doit s'incorporer dans un ensemble plus vaste et défini sur la base de critères constitutionnellement acceptés telles la résorption de difficultés ou de handicaps, la recherche d'un objectif d'égalisation sociale ou territoriale…" Au sujet des statistiques ethniques, le comité Veil suggère de s'en tenir à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui autorise la collecte de "données objectives telles que le nom, l'origine géographique, la nationalité antérieure à la nationalité française, [ou] même [le] traitement de données subjectives comme celles fondées sur le ressenti d'appartenance ".
Les conclusions du comité Veil sont très en deçà des attentes du chef de l'Etat. Mais ce dernier pourrait paradoxalement y trouver un avantage politique. Aborder la question de la diversité sous son aspect social et géographique permet en effet de promouvoir les "Hakim" et "Rachida" sans oublier les "Eric" et "Isabelle".
Les mesures annoncées par M. Sarkozy ne bénéficieront cependant qu'en partie aux minorités dont il entend accroître la visibilité dans le monde du travail et la sphère politique. L'interdit de tout critère d'origine rend impossibles des mesures plus offensives dans ce sens, comme la modulation du financement des partis en fonction des places accordées aux candidats issus des minorités.
Un écueil que M. Sarkozy veut s'efforcer de contourner en proposant la création d'une "commission d'évaluation de la diversité dans la vie politique", chargée d'établir chaque année un rapport sur les efforts accomplis en la matière par les partis.
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