Dieux, Démons, Héros.


Dans cette religion polythéiste (qui a beaucoup de dieux), les dieux, nombreux et divers, ont entre eux des traits communs qui les rendent à la fois proches et éloignés des hommes (Pindare, Néméennes).

Les dieux d'abord n'ont créé ni l'univers ni les hommes et ils appartiennent au même monde que les hommes. Comme ces derniers, issus de Gaia, la Terre, ils naissent ici et là, Zeus en Crète, Apollon (Homère, Hymne à Apollon) et sa soeur Artémis à Délos, Hermès dans une caverne ...

Ils habitent le sommet du Mont Olympe, en Thessalie, où ni les saisons ni le temps n'ont cours (Homère, Hymne à Apollon), mais ils n'y demeurent pas en permanence, ils voyagent et séjournent dans les cités des hommes (Homère, Iliade et Odyssée). Ces dieux, s'ils naissent, ne meurent pas : ils sont les athanatoi, les non-mortels, les aeigénétai, nés pour toujours ; les hommes, eux, sont les éphémères, voués au temps et à la mort.

Nourris de nectar, d'ambroisie et de la fumée des sacrifices, ignorant la faim, le pain et le vin, ils n'ont pas de sang mais une humeur différente, l'ikhôr (Homère, Iliade). Les pouvoirs attribués aux dieux, qui ne sont ni omniscients ni omnipotents , sont surhumains (vitesse, force, invisibilité, capacité de voler ), comme le sont leur taille quand ils apparaissent physiquement, et leur éclat que les hommes craignent de regarder, car il suscite le thambos (stupeur mêlée d'effroi). Ils sont enfin qualifiés de makarès, bienheureux, d'akèdéès, exempts de soucis, à l'opposé des mortels en proie aux misères et au chagrin .

A côté de ces traits communs, les dieux ont chacun des traits distinctifs et individualisés qui permettent leur reconnaissance. Ils ont un nom propre, que connaissent tous les Grecs - Athéna, Poséidon ... - des attributs propres - l'égide d'Athéna , le trident de Poséidon, le caducée d'Hermès -, une apparence physique et des attitudes caractéristiques (Artémidore, La Clef des Songes), une histoire personnelle avec un état civil et des aventures. Ils ont reçu en outre une multitude d'épithètes cultuelles qu'on appelle épiclèses, variant selon le lieu du culte et l'aspect particulier du dieu qui est invoqué. Ainsi connaît-on toute une série de Zeus : Zeus Polieus (protecteur de la cité), Zeus Sôter (sauveur), Herkeios (de la clôture), Xénios (des suppliants), Meilichios (bienveillant), Ombrios (pluvieux), il existe même un Zeus Apomyos (qui détourne les mouches) à Olympie . On rend hommage à Athéna Polias (protectrice de la cité), Nikè (garante de victoire), Erganè (industrieuse), Hygeia (protectrice de la santé), Phratria (protectrice de la phratrie), Héphaïstia (associée à ), Hippia (protectrice des chevaux), la liste est loin d'être close. Pour le seul Apollon, on connaît près d'une centaine d'épiclèses. Ces épiclèses renseignent donc sur les fonctions très diverses que peut assumer une divinité .

Mais cette multiplicité d'aspects n'exclut pas un principe d'unité ; chaque dieu a en effet, son mode d'action spécifique, son type de pouvoir, ses domaines réservés, dans les grandes sphères d'activité où les hommes sollicitent leur aide ; si différents dieux interviennent dans un même secteur, leurs actions ne se confondent pas mais se complètent.

Ainsi Athéna et Poséidon sont-ils invoqués tous deux lors d'une course de chevaux, la première pour sa maîtrise reconnue sur le mors, le second pour son pouvoir souverain sur la panique des chevaux qu'il peut provoquer ou supprimer (Pindare, 0lympique); Hestia et Hermès sont protecteurs de l'espace, celui-ci de l'espace ouvert, celle-là de l'espace clos du foyer.

A partir de cette multiplicité de pouvoirs divins délimités, chaque cité a réalisé une combinaison, un groupement de puissances qui la protège plus spécialement et qu'on appelle panthéon ; il n'y a donc pas un panthéon valable pour toute la Grèce mais des panthéons locaux, constitués différemment selon les lieux ; une seule chose ne varie pas, le chiffre, les dieux olympiens sont toujours douze.

La liste canonique qui sera retenue par les Romains est celle de la frise du Parthénon : Zeus, Poséidon, Démèter, Héra, Arès, Aphrodite, Artémis, Apollon, Athéna, Hermès, Dionysos, Héphaïstos. Mais ces Douze, pour une partie d'entre eux, sont autres à Sparte, à Olympie, à Délos, petite île située au centre des Cyclades tout près de Mykonos, à Cos, île du Dodécanèse, patrie d'Hippocrate ...

Ils reçoivent un culte sur un seul autel à Athènes, l'autel des Douze situé sur l'Agora, sur six autels à Olympie , où ils sont regroupés deux par deux, sur quatre autels et groupés par trois à Cos. Le panthéon d'une cité, loin d'être figé, peut varier et s'enrichir de nouveaux dieux, voire comporter le même dieu sous un double aspect, ainsi un Zeus ouranien, céleste, et un Zeus chthonien, souterrain, figurent dans le panthéon de Cos.

Cette variété se retrouve dans la façon dont les Grecs ont représenté leurs dieux. Ils ont connu toutes les formes de figuration : pierre brute, pilier _ ces hermès placés aux carrefours (Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse) -, masque - particulièrement pour Dionysos -, figure animale, représentation humaine, et ce, dans des matériaux fort divers : bois, terre cuite, marbre, bronze , métaux précieux. Ces formes ne marquent pas une évolution chronologique mais ont coexisté et sont traitées avec les mêmes égards.

On distingue divers types de figures anthropomorphes (avec une forme humaine), trait si caractéristique de la religion grecque : la petite idole archaïque en bois, mal façonnée, bras et jambes soudés au corps, appelée brétas ou xoanon ; elle est le plus souvent masquée aux regards et n'est dévoilée que lors de certaines fêtes. Visibles, en revanche sont les statues masculines et féminines, les Kouroi et les Korai, dans lesquelles les Grecs ont cherché à traduire les qualités supérieures du corps des dieux : éclat, jeunesse, lignes parfaites. Reste à mentionner la grande statue cultuelle dont la ressemblance avec l'homme était corrigée par sa dimension bien supérieure à la taille humaine, de trois à dix mètres. La statue d'Athéna Parthénos en or et en ivoire sculptée par Phidias pour le Parthénon, mesurait environ onze mètres soixante-dix et la Victoire d'or qu'elle tendait en avant sur sa main, un mètre quatre-vingts (Pausanias, Périégèse). Ces statues cultuelles étaient placées en général à l'intérieur du temple, souvent accompagnées d'autres statues, offrandes et dédicaces. Toute une série de techniques diverses, ornementation, parure, polissage, couleurs, pierres précieuses, permettait de souligner le caractère divin de ces effigies . Certaines de ces statues étaient promenées, baignées dans la mer, ointes d'huile, vêtues solennellement .

A côté des dieux placés au sommet de la hiérarchie, les Grecs vénéraient deux autres catégories d'êtres surnaturels : les démons et les héros. Les daimones (démons), ne sont pas précisément distingués, dans Homère, des dieux, et ils interviennent de façon similaire auprès des hommes. Hésiode, poète épique postérieur à Homère, en évoque deux sortes : les Epichthoniens, démons justes, vivant sur terre, sont issus des hommes de la race d'or; auxiliaires de Zeus, ils sont les gardiens des hommes ; les Hypochthoniens, démons injustes, relégués sous terre comme le furent les Titans, sont, eux, issus des hommes de la race d'argent, livrés à la démesure. (Hésiode, Les Travaux et les Jours) Ces démons, au contour très imprécis - ils sont anonymes et sans représentation -, bienveillants ou malveillants, ont été importants dans les croyances populaires. Le mot démon apparaît aussi comme l'équivalent du destin, du lot réparti à chaque homme, notion conforme à la racine de daimôn qui signifie "partager, répartir ". Il est alors très voisin du "Genius" latin, s'attachant à un individu donné dès sa naissance et déterminant sa destinée. Il peut désigner encore une faculté divine intériorisée dans un homme ; Socrate évoquait en ce sens son démon intérieur qui se manifestait à lui sous la forme d'une voix pour le détourner de ce qu'il allait faire. (Platon, Apologie de Socrate) Dans cette optique pour des philosophes tel Platon et Plutarque par exemple, les démons servent d'intermédiaires entre les dieux et les hommes, aidant ceux-ci à se rapprocher du monde divin. (Plutarque, Sur la Disparition des oracles)

Les héros sont une espèce à part, qui vient après les démons, dont les origines sont diverses : demi-dieux issus des amours d'un dieu et d'une mortelle, dieux déchus, héros des légendes épiques, héros ancestraux, héros historiques (Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse). Ils sont distincts des hommes et par les actions extraordinaires de leur vie et par le pouvoir qu'ils peuvent exercer après leur mort.

Beaucoup d'entre eux ont une légende, plus ou moins riche, où sont contés leurs exploits (Héraklès, Thésée) . Pour la plupart héros fondateurs et civilisateurs, ils sont essentiellement protecteurs de la cité ; ils ont comme les dieux, des sphères d'action privilégiées - combat, jeux, divination, médecine, végétation, formation des jeunes et rites de passage - où ils exercent leur pouvoir, positif le plus souvent.

Ils possèdent un tombeau, l'hérôon, autour duquel se développe leur culte . Le culte héroïque aussi important que le culte rendu aux dieux, a un caractère tout à fait local : chaque cité a ses héros qui restent inconnus ailleurs, sauf de rares exceptions, dont Héraklès, connu de toute la Grèce.

Religion La vie dans la cité et hors de la cité Musée Vivant de l'Antiquité