Quand le premier numéro du magazine sort des rotatives, samedi 16 mai 1953, il est au carrefour de la guerre d'Indochine finissante et de la guerre d'Algérie qui va éclater. L'Express n'est alors qu'un supplément imprimé sur papier journal du quotidien les Echos. Son directeur-fondateur, Jean-Jacques Servan-Schreiber, est le fils d'Emile Servan-Schreiber qui fonda en 1906, avec son frère Robert, le quotidien économique.
Pour son fondateur, polytechnicien et ancien éditorialiste au Monde, l'Express doit rassembler " contre la droite un vaste front de de Gaulle à Mendès France ".
Françoise Giroud quitte Elle pour la rue de Berry, alors siège de l'hebdomadaire. Pierre Viansson-Ponté en assure la rédaction en chef. De sa création au début des années 60, l'hebdomadaire est clairement à gauche. Il soutient Pierre Mendès France, défend l'indépendance algérienne. Son combat lui vaut une vingtaine de saisies et la haine de l'OAS. Face à France-Observateur, fondé en 1950, l'Express offre aussi une tribune à l'intelligentsia : de François Mauriac, qui y tiendra son " bloc-notes " jusqu'en 1961, et de Raymond Aron à Maurice Merleau-Ponty et Albert Camus, qui en deviennent chroniqueurs.
Une pléiade de journalistes, d'Albert du Roy à Michèle Cotta, y font leurs premières armes et une partie de leur carrière. En 1955-1956, l'Express tentera l'aventure du quotidien pour se transformer en Express-Matin. A l'orée des années 60, l'hebdomadaire de Jean-Jacques Servan-Schreiber vend 120 000 exemplaires. Son patron , nourri par la presse américaine, lui donne en 1964 sa physionomie du newsmagazine, sur le modèle du Time et du Spiegel. Sa diffusion s'envole.
Mais en dépit de la prospérité qu'il acquiert le journal s'enfonce progressivement dans la crise. Les ambitions politiques de son directeur, élu secrétaire général du Parti radical-socialiste en 1969, perturbent et divisent la rédaction. Une partie d'entre elle _ Olivier Chevrillon, Claude Imbert, George Suffert, etc. _ s'en va pour fonder le Point. A la crise d'un titre dont la ligne rédactionnelle s'estompe, correspond une chute des ventes. Il perd 100 000 exemplaires entre 1972 et 1976, année pendant laquelle la diffusion dépasse cependant les 500 000 exemplaires.
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